Les CPTS, voie royale de l’exercice coordonné pour les infirmiers libéraux ?


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Cet article a été publié le par Brigitte Femenia et a été consulté 115 fois.

Rémunération, reconnaissance des compétences, meilleure organisation des soins et de la collaboration avec l’hôpital…, les communautés professionnelles territoriales de santé représentent pour les infirmiers libéraux l’un des dispositifs les plus solides d’intégration dans le cadre d’un exercice coordonné. Illustration avec des retours d’expérience présentés lors du Salon Infirmier.

Terrain privilégié pour intégrer les infirmiers dans le cadre d’un exercice coordonné, les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), lancées durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, ont un rôle déterminant à jouer dans la transformation du système de santé et l’organisation des soins, au-delà des possibilités salutaires de coopération entre professionnels de santé qu’elles permettent. C’est du moins ce qui est ressorti de la table ronde organisée sur le sujet lors du Salon Infirmier*, qui a notamment mis en lumière leur pertinence dans la construction des liens ville/hôpital et dans la valorisation des compétences infirmières.

L’approche populationnelle comme nouveau paradigme

Pensées comme des dispositifs à la main des soignants, répondant à des besoins spécifiques sur les territoires, les CPTS supposent une approche populationnelle. Et donc un changement de paradigme dans l’organisation des soins. La particularité des CPTS, c’est qu’on ne raisonne plus en patientèle rattachée au médecin, mais plutôt selon une approche populationnelle, a confirmé David Guillet, infirmier et président de l’URPS infirmiers Pays de Loire. Projets de santé et taille du dispositif sont ainsi amenés à évoluer en fonction des populations couvertes. L’intérêt des CPTS, dans un territoire donné, est multiple : avoir des parcours fléchés, monter des projets de santé, mais aussi bénéficier de financements et d’aides pour obtenir des salles, des locaux, a énuméré Thierry Pechey, infirmier libéral et président du Conseil départemental de l’Ordre Infirmier en Meurthe-et-Moselle (Grand Est). Les élus du territoire deviennent aussi facilitateurs. Et si les CPTS induisent un changement d’approche, elles s’inscrivent aussi dans un autre processus de transformation du système de santé, soit le virage ambulatoire, auquel on ne pourra pas couper au vu des défis qu’il doit affronter (vieillissement de la population, augmentation des pathologies chroniques, déserts médicaux…), a relevé Marion Jolly, présidente de la CPTS Dracénie Provence Verdon et élue au Conseil Départemental de l’Ordre des Infirmiers du Var.

À cet égard, la pandémie a permis de démontrer la pertinence de cette forme d’organisation des soins, permettant aux professionnels de santé libéraux de se coordonner pour mieux prendre en charge les populations de leurs territoires. Née d’une association des Equipes de Soins Primaires (ESP) déjà existantes, la CPTS de la Métropole du Grand Nancy, présidée par Thierry Pechey, a ainsi pu monter plusieurs centres de vaccination contre le Covid-19Nous avons monté nos centres de dépistages ; nous avons invité l’Agence Régionale de Santé et l’Assurance maladie pour leur indiquer que nous voulions vacciner et qu’il nous fallait des moyens, a-t-il témoigné. Au total, 6 centres de vaccination ont pu être déployés. Nous avons fini par vacciner 15 000 personnes par semaine. Dans le Var, si la CPTS s’est montée en 2019, soit bien avant le déclenchement de la pandémie, elle a pu démontrer son utilité dans la prise en charge des patients et des actions de dépistage par l’ensemble des professionnels de santé. Nous avons monté un 1er centre de consultation pour que les médecins généralistes puissent accueillir les patients, ce qui a permis à la population d’être vue par des médecins grâce à un roulement d’astreintes, a relaté Marion Jolly. Des actions concrètes qui, en période particulièrement complexe, ont mis en lumière l’intérêt de la coordination entre professionnels.

Il fallait que nous devenions acteurs de notre organisation, au risque de subir quelque chose que nous n’aurions pas choisi

La voie pour plus de possibilités de gouvernance et une meilleure rémunération

Mais au-delà de la mise en place d’une autre organisation des soins, les CPTS s’accompagnent d’une autre opportunité pour les infirmiers libéraux : celle d’avoir accès aux instances de gouvernance et d’influer sur la définition des projets de santé. Les infirmiers sont majoritaires au sein du conseil d’administration de notre CPTS, a ainsi noté Maxence Gal, administrateur de la CPTS du Var Ouest. Nous sommes la profession la plus représentée. Or, au sein du conseil administratif, toutes les voix ont le même poids. De quoi permettre aux infirmiers de faire entendre leurs préoccupations et leurs besoins dans l’organisation de la prise en charge et des soins. Il fallait que nous devenions acteurs de notre organisation, au risque de subir quelque chose que nous n’aurions pas choisi, a confirmé Marion Jolly. En l’état, les CPTS représentent la voix la plus simple d’intégration des infirmiers libéraux dans les processus décisionnels. Les infirmiers seraient ainsi la deuxième profession la plus impliquée dans le déploiement des CPTS. Nous avons voix au chapitre, nous faisons partie des acteurs du changement, a martelé Maxence Gal.

En réalité, l’intégration de l’infirmier libéral dans les dispositifs d’exercice coordonné deviendra une obligation, que ce soit pour accompagner l’évolution de la profession ou… de ses modes de rémunération. Ceux-ci vont en effet évoluer à l’avenir, avec un système de santé amené à passer progressivement de la continuité à la permanence des soins, avec des tarifications spécifiques. Et qui reconnaîtront plus amplement l’ensemble des compétences des infirmiers, a-t-il jugé. Nous ne sommes pas là pour faire des consultations, mais pour faire prendre conscience que notre diplôme est sous-exploité et qu’il y a des choses que nous faisons qui ne sont pas reconnues financièrement et notamment les temps consacrés à la coordination, a-t-il déclaré. Une visite infirmière après une hospitalisation complexe, il ne serait pas choquant qu’elle soit payée 40 euros, car elle va permettre d’éviter la commande d’un déambulateur ou la multiplication des boîtes de médicaments. À titre d’exemple, les temps de réunion et de collaboration en CPTS sont rémunérés, a-t-il rappelé.

« Plus de poids qu’un infirmier seul »

Entrent enfin en ligne de compte les relations avec les institutions : Agences régionales de santé (ARS), EHPAD, hôpitaux de proximité, mais aussi hospitalisation à domicile (HAD). Là encore, les CPTS permettent aux infirmiers de peser plus largement dans l’organisation des soins en ville. La pandémie a notamment servi de tremplin à une plus grande entente entre les professionnels libéraux et les institutions territoriales. Elle a permis de construire du lien entre la CPTS et l’ARS, a réagi Maxence Gal, mais aussi de construire des liens avec les hôpitaux : l’hôpital militaire de Toulon, l’hôpital civil, et de penser des projets en commun. Autre avantage : la possibilité de créer des passerelles avec les hôpitaux de proximité, qui seront amenés à occuper une place prépondérante dans la gestion des urgences dès 2023, avec une coordination des soins à l’échelle des CPTS avec un binôme infirmier et médecin de garde, David Guillet a-t-il souligné. Et, plus prosaïquement, se dessine aussi un élément de réponse à certains dispositifs qui entrent en concurrence avec l’activité libérale, à commencer par l’HAD, encore souvent accusée de détourner une partie de la patientèle en ville. Les services d’HAD recrutent dans les services d’urgence. Or une CPTS a plus de poids face à elle qu’un infirmier seul, a-t-il conclu.

*qui s’est tenu du 17 au 19 mai Porte de Versailles, à Paris.

Audrey ParvaisJournalisteaudrey.parvais@gpsante.fr

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