Nouveau conflit entre infirmières libérales et pharmaciens


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Cet article a été publié le 13/01/2022 par Brigitte Femenia et a été consulté 304 fois.

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Les relations entre les infirmières et infirmiers libéraux et les pharmaciens sont tendues depuis des années. Aujourd’hui, les infirmières libérales en appellent au ministère de la santé pour faire revenir les pharmaciens dans le droit chemin.

Les délégations de tâches, une question de plus en plus cruciale dans le système de santé

On se souvient comment les médecins ont réagi, quand le projet de loi de financement de la Sécurité Social (PLFSS 2022) proposait d’autoriser l’accès direct à la kinésithérapie notamment mais déléguait aussi certaines tâches aux infirmières en pratique avancée (IPA). Pourtant, le déploiement de ces infirmières répondait à cet esprit. Certains avaient alors dénoncé un corporatisme médical et un manque de reconnaissance, voire un mépris, des autres professions de santé. Ce débat est récurrent et revient régulièrement au cœur des discussions. En règle générale, les infirmières libérales ont été plus souvent, par le passé, opposées aux pharmaciennes et pharmaciens, et certaines oppositions (on pense bien évidemment à la vaccination) ont pu être denses et vives par le passé.

Ces tensions se font jour à nouveau depuis plusieurs semaines, et les infirmières libérales condamnent l’attitude des pharmaciens. Tout a commencé à la mi-novembre, lorsque l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) avait demandé au gouvernement l’autorisation de vacciner à domicile ou en EHPAD, quand la situation le nécessite. En d’autres termes, les pharmaciens proposaient de se substituer aux infirmières libérales, tout en les ménageant puisque le président de l’USPO, M. Pierre Olivier Variot expliquait que


“dans les textes, rien n’est écrit, ni que l’on peut le faire, ni que cela nous est interdit. Donc, dans le doute, on ne vaccine pas à domicile.” 

Les infirmières libérales dénoncent les usages de certains pharmaciens

 

Les infirmières et infirmiers libéraux ont immédiatement réagi en dénonçant de nouvelles « distorsions » et une forme de concurrence déloyale de la part des pharmaciens. Toutes les organisations syndicales se sont à l’époque mobilisées pour condamner cette proposition. La Fédération Nationale des Infirmiers (FNI) publiait même un communiqué soulignant que “le maillage territorial opéré par les infirmières libérales permet le maintien à domicile de patients âgés et fragiles, évite l’engorgement de services d’urgences dans la stratégie du ‘tester, alerter, protéger’ mise en place par les autorités sanitaires”. Si les infirmières libérales s’interrogeaient quant à la motivation profonde des pharmaciens, elles notaient, dans le même temps, que l’USPO appelait les pharmaciens à ne pas vacciner.

Pourtant, il semble que la réalité soit toute autre. Dans un courrier daté du 17 décembre et adressé au ministère de la Santé, Convergence Infirmière dévoile les résultats d’une enquête réalisée par ses soins.

En sondant les infirmières et infirmiers libéraux, le syndicat a ainsi pu mettre en lumière les pratiques des pharmaciens au quotidien. Et selon cette enquête, plus de 20 % des répondantes et répondants témoignent de connaitre des pharmaciens, qui ont déjà vacciné à domicile. Outre cette pratique, le sondage a mis en évidence bien d’autres « dérives » :


  • 60 % des IDEL(s) ayant répondu ont ainsi souligné des détournements de patientèle

  • Près de deux infirmières libérales sur 3 (65 %) s’alarment d’une concurrence déloyale.

 

Entre le refus de délivrance de dose de vaccin et le détournement de patientèle, Convergence Infirmière a donc saisi le ministère de la santé pour mettre fin à ces pratiques jugées « totalement inadmissibles ». Non seulement, le syndicat infirmier appelle les pharmaciens à plus de respect envers les IDEL(s) mais il demande que le gouvernement prenne les décisions qui s’imposent, à commencer par la possibilité pour les IDEL(s) de se fournir directement auprès des centres de vaccination ou de grossistes certifiés.

 

« Non seulement les infirmières et les infirmiers libéraux sont foulés au pied mais l’intérêt des patients est complètement nié au profit d’intérêts purement mercantiles »

 

Les tensions entre les pharmaciens d’une part et les infirmières et infirmiers libéraux d’autre part n’auront pas connu la trêve des confiseurs, et la question risque d’envenimer le climat entre ces deux professions de santé pour de longs mois.