Condamnée à verser 53 000 euros, elle demande un échelonnement pour le paiement. La CPAM fait la sourde oreille
Hélène est infirmière libérale dans le canton de Cestas. Depuis mardi, une fois la tournée de ses patients terminée, soutenue par un collectif, elle "campe" devant la CPAM, place de l’Europe à Bordeaux pour être entendue. Comme plusieurs consoeurs et confrères, elle a été mise à l’amende par la Caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde (CPAM). Mais l’'étiquette de fraudeuse est difficile à décoller pour Hélène. " Ça ne me ressemble pas ", répète-t-elle régulièrement. " J’ai peut-être commis des erreurs involontaires, mais je ne suis pas une tricheuse. "
"Elle a été condamnée à verser reverser 53 000 euros à la CPAM", explique son nouvel avocat Me Henri-Michel Gata, qui a déjà dénoué nombre de situations de ce genre. "Elle n’a pas d’autre recours que de mener cette action. Nous nous sommes rapprochés de la CPAM pour échelonner la dette sur quatre ans. Dans un premier temps, nous n’avons pas eu de réponse. Puis nous avons envoyé un premier chèque de 10 000 euros qui a été encaissé. Et depuis deux mois la CPAM retient l’intégralité (sur une période de deux ans) de ses honoraires télétransmis pour se rembourser, la laissant sans ressource pour payer ses charges."
"Si je ne peux pas payer mon emprunt, je vais me retrouver à la rue donc autant venir dormir dans la rue devant chez eux", confie l’infirmière.
Ces dernières années, des enquêtes ont été réalisées dans le cadre d’un programme régional de contrôle, ayant pour but de cibler les infirmiers libéraux ayant une activité professionnelle largement supérieure à la moyenne ou présentant une activité quotidienne de travail atypique. Les agents assermentés ont ainsi épinglé plusieurs irrégularités.
Mélange de règles subtiles
Un mélange des règles subtiles applicables aux contrats de remplacement et à ceux de collaboration, la facturation d’actes non conformes aux prescriptions du médecin traitant et un nombre d’actes infirmiers de soins anormalement élevé. C’est d’ailleurs essentiellement à cause de ces " AIS3 ", correspondant notamment à la toilette des malades, que la pilule ne passe pas.
Chaque acte de soin de ce type correspond à un temps d’exécution fixé par la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). Soit 30 minutes, soit 60 minutes.
Dans chaque dossier, la CPAM de la Gironde a le même et invariable argumentaire : l’addition des actes facturés par les infirmiers aboutit à des journées de travail supérieures à 17 heures. " Ce qui est impossible en respectant les normes de temps. "
Car pour la CPAM, ne pas assurer 30 ou 60 minutes de présence effective chez le patient, selon la formule choisie, constitue une fraude. Et entraîne, par le biais d’une notification d’indus, l’obligation de rembourser la totalité des actes, comme s’ils n’avaient pas du tout été effectués. Les sommes réclamées portent ainsi sur des dizaines, voire parfois des centaines de milliers d’euros.
"Le temps passé"
" C’est comme si on chronométrait seulement le temps où nous avons un gant de toilette en main ", s’insurgent Hélène et ses confrères. " Les contrôles ne portent que sur le temps passé et non le contenu de la séance, sur la charge de travail ". Sans compter les nombreuses fois où il faut ôter une perfusion, refaire un pansement, écraser les médicaments pour qu’ils soient effectivement avalés, écouter les patients ou les forcer à manger un peu, ouvrir et fermer les volets, lancer et étendre une machine à laver ou faire quelques courses ou un peu de vaisselle, parce que l’auxiliaire de vie est malade.
" Nous le faisons naturellement car nous aimons notre métier. C’est un échange humain précieux. Mais nous le reprocher alors que parfois nous sommes la seule visite de la journée pour le patient, c’est salir notre réputation ", argumente Hélène qui compte sur la médiatisation de son cas pour obtenir un rendez-vous.