Depuis le mois de juillet les commissions de conciliation, mises en place au sein des conseils départementaux de l’ordre des infirmiers ont commencé à fonctionner… et suscitent déjà de vives critiques.
Comme leur nom l’indique, ces commissions, où siège un minimum de trois membres du conseil départemental, ont une fonction de médiateur dans des litiges entre patients et infirmiers ou entre infirmiers. Elles interviennent suite à un dépôt de plainte, entendent les parties et tentent de trouver une solution au différend avant d’établir un procès-verbal.
Sont-elles pour autant impartiales ? Ce n’est pas l’avis du syndicat anti-ordres Résilience, qui dénonce, dans un communiqué adressé à la Ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, « des séances où des apprentis sorciers parfaitement inaptes à la fonction de juge ordinal s’autorisent des attitudes et autres comportements indignes de notre profession».
Conciliation strictement encadrée ou « Simulacre de procès » ?
Hugues Dechilly, secrétaire général du syndicat, a recueilli le témoignage d’une infirmière libérale, non inscrite à l’Ordre, passée récemment en commission de conciliation, après un dépôt de plainte d’une consœur l’accusant de détournement de patientèle : « Elle remplaçait cette autre IDEL dans son cabinet et, à son retour, s’est installée à son compte dans la même ville. Certains patients l’ont suivie. Devant la commission, à défaut de conciliation, c’est un simulacre de procès qui a été fait à l’accusée, qui n’a pas eu son mot à dire. La plaignante connaissait visiblement les membres de la commission et avait eu plus de temps pour se préparer. L’accusée a été convoquée du lundi pour le vendredi ». Le syndicaliste questionne par ailleurs les fondements juridiques de ces médiations « alors que le Code de déontologie n’a pas été publié au Journal Officiel ».
Contacté, le secrétaire-général du comité départemental ordinal (l’infirmière incriminée souhaite la discrétion sur son département d’exercice, ndlr), répond aux accusations. « Nous sommes tous des infirmiers expérimentés, qui connaissons bien notre métier. Le fonctionnement de commissions est défini par la loi : si un membre de la commission a des liens avérés avec une des parties, le président choisit un autre conciliateur. Nous nous basons sur le Code de la santé publique qui précise les règles professionnelles et s’applique même en l’absence de publication du code de déontologie. A la fin de la conciliation le procès-verbal est relu par les parties, qui peuvent parfaitement s’abstenir de le signer si elles ne sont pas d’accord ».
Cette commission n’a d’ailleurs pas le pouvoir de prononcer des sanctions, mais elle peut, en cas de non conciliation, renvoyer les parties devant la chambre disciplinaire du Conseil Régional, 1ere instance de la juridiction ordinale. (Celle-ci n’est toutefois pas compétente pour juger les agents de la fonction publique hospitalière, qui relèvent des Commissions Administratives Paritaires, ndlr).
Pour Hugues Dechilly, en plus des éléments reprochés, on a voulu faire payer à cette infirmière sa non inscription à l’Ordre, il craint que se multiplient « les règlements de comptes locaux et les procédures à l’encontre de ceux qui refusent l’Ordre, ce qui se produit avec d’autres ordres paramédicaux, comme ceux des kinésithérapeutes ou des pédicures podologue ».
Le représentant ordinal interrogé précise que le conseil départemental n’a encore déposé aucune plainte pour exercice illégal de la profession à l’encontre de professionnels refusant de s’inscrire à l’Ordre Infirmier, mais n’excluait pas de le faire à l’avenir.