Derrière la volonté du gouvernement de lutter contre les déserts médicaux, la fédération nationale des infirmiers (FNI) y voit une refonte du système sanitaire et une remise en cause de leur activité. Ainsi, avec la mise en place des maisons de santé, le syndicat redoute que leur statut d’infirmier libéral ne soit mué en salarié.
SANTÉ
Les déserts médicaux. C’est l’un des problèmes numéro un du ministère de la Santé. Ainsi, en décembre dernier, Marisol Touraine a fait part de son plan pour lutter contre ce phénomène qui touche 2 millions de Français à travers douze engagements intitulés “Pacte territoire-santé" Instauration de stages en médecine générale pour 100 % des étudiants, développement de la télémédecine, création de 200 postes de praticiens territoriaux, responsabilisation des centres hospitaliers régionaux… Aucune mesure n’a encore été actée car la ministre a souhaité que la question soit débattue dans les régions. Mais déjà, des voix s’élèvent contre l’engagement qui consiste à renforcer le travail en équipe et conforter les centres de santé. C’est en tout cas le combat qu’entend mener la fédération nationale des infirmiers (FNI), dont les sections locales se font écho. Ainsi, à la Réunion, Emmanuel Adain, président de la FNI Réunion se dit particulièrement “inquiet ? par le “miroir aux alouettes ? des centres de santé : “On est en train de remanier complètement l’offre de recours mais est-ce que les patients sont bien au fait de ce qui les attend ??
Selon ce syndicat, le gouvernement n’a pas entièrement révélé son projet final et fait œuvre de “désinformation" La véritable intention de la ministre aurait été dévoilée en janvier dernier, lors d’un séminaire de formation tenu à Sciences Po. À cette occasion, Yann Bourgueil, directeur de l’IRDES (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé) a déclaré que la France était confrontée “à de nombreux soucis car nous sommes enfermés dans un modèle libéral de paiement à l’acte. Une solution serait de faire comme dans le système anglais, où les médecins libéraux salarient les infirmières, ce qui permet la délégation d’actes ; ou comme dans le système nord-américain, où tout le monde est salarié d’une structure, de type centre de santé, ce qui facilite le transfert de compétences. ?
“ À LA MERCI DES MÉDECINS ?
Même si rien ne dit que le gouvernement suivra la même logique, la FNI préfère prendre les devants et monter au créneau : “Pour obtenir une rémunération de leurs prises en charge coordonnées, d’éducation ou tout simplement continuer leurs pratiques actuelles d’éducation, participer à des actions de recherche ou de formation, les infirmiers libéraux n’auront pas d’autre choix que d’intégrer les maisons de santé pluridisciplinaires. Ainsi justifiées, elles servent en réalité une stratégie parfaitement orchestrée qui vise à réorganiser profondément le système de santé, à le faire glisser d’un système libéral vers un système de structures ambulatoires privées ou semi-privées salariant les professionnels de santé. ?
À la Réunion, où la question des déserts médicaux est prégnante, en particulier chez les spécialistes, il est envisagé par les autorités sanitaires la création de cinq centres de santé, regroupant notamment médecins et infirmiers. Mais selon Emmanuel Adain, les infirmiers libéraux n’en veulent pas s’il s’agit de se salarier. D’après son syndicat, seulement 2 % de la profession considère le salariat comme un mode d’exercice envisageable et satisfaisant. À terme, le syndicaliste redoute que ce système de centre de santé se généralise et que les patients finissent par ne plus avoir le choix de leurs professionnels de santé, à l’instar des pays anglo-saxons où c’est le lieu de résidence qui détermine celui qui vous soignera. Pour la FNI, ces réseaux de soins “seront pris en charge via des réseaux gérés par des organismes d’assurance chargés de négocier les tarifs ? et risquent “d’exclure certaines pratiques de soins jugées inefficaces ou encore trop coûteuses" “C’est une régression pour la profession, insiste Odile Lhuillier, infirmière libérale à Saint-Paul et trésorière de la FNI. Si on se salarie, on va être à la merci des médecins et on va perdre notre autonomie et la qualité de soins auprès des malades ?