Engagé depuis presque trois ans, le dossier de simplification des libellés des actes de perfusion a enfin abouti. La commission de hiérarchisation des actes professionnels (Chap) du 6 mars dernier a confirmé les travaux conduits par les représentants de l’Uncam et de la profession. Aujourd’hui en dernière ligne droite, la procédure devrait déboucher par un arrêté au Journal officiel (JO) de la République courant septembre. Petit retour sur les raisons du pourquoi d’un si long chantier.
C’est parfois au petit bonheur la chance encore aujourd’hui, mais ce sera plus facile et plus gratifiant dès septembre 2014. Certains infirmiers libéraux cotent avec certitude et bonne foi les actes de perfusion qu’ils pratiquent, tandis que d’autres hésitent ou s’adaptent, en fonction de la situation, le mieux possible aux méandres de la nomenclature dans ce domaine. De l’autre côté, celui des Cpam et de leurs échelons du contrôle médical, l’attitude est identique. Pas moins de 4 articles de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) abordent ces soins. Au chapitre 1 des actes courants, l’article 9 intitulé Perfusions recense 7 actes cotés de 1 à 4 ; au chapitre 2 des soins spécialisés, l’article 3 est consacré aux Perfusions intraveineuses par l’intermédiaire d’un cathéter veineux central ou d’un site implanté, le 4 aux Actes du traitement spécifique à domicile d’un patient immunodéprimé ou cancéreux et enfin le 5, le Traitement à domicile d’un patient atteint de mucoviscidose par perfusions d’antibiotiques sous surveillance continue selon le protocole rédigé par un des médecins de l’équipe soignant le patient.
UN SUJET TRÈS LITIGIEUX
Quelles règles appliquer, que cumuler ou pas ? Comment jongle-t-on avec l’addition des AMI ? La réponse est simple, et c’est la même pour tout le monde : mal. La faute au progrès qui, au fil du temps, a fait s’empiler en mille-feuille de nouveaux actes à chaque nouvelle technique. Avec au final, de nombreux conflits générés par les nombreuses divergences d’interprétation des textes entre caisses et Idels, agrémentés d’écarts de pratiques d’une caisse à l’autre. Et des magistrats perdus dans l’imbroglio, des jugements incohérents à tous les degrés de la justice et jusqu’en Cour de cassation. « Autant le dire, plus personne n’y comprend rien », atteste Patrice Thoraval es-spécialiste nomenclature à la FNI, en laissant tomber un affirmatif « à part nous ». Seule organisation signataire de la convention jusqu’en 2002, la FNI a le bénéfice de l’antériorité et l’expertise des circulaires qu’elle partage avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam). Mais ces documents de référence se sont trouvés dépourvus de valeur juridique, non opposables devant les tribunaux, depuis le passage des actes techniques médicaux à la Classification commune des actes médicaux (CCAM). Difficile de défendre la profession en cas de litige. Il était donc urgent – depuis longtemps – de se pencher sérieusement sur le sujet. La profession était désireuse d’y voir plus clair en sécurisant les démarches de soins et tout simplement son activité ; les caisses dans la nécessité qu’elles ont de piloter le risque maladie aussi.
HYPOTHÈSE DE DÉPART
Le groupe de travail, composé des représentants des différents régimes de l’Uncam et de représentants des quatre organisations infirmières représentatives, a commencé ses travaux en septembre 2011. Le sujet mis sur la table était clair : « Il ne s’agissait pas de valoriser les perfusions mais bien de simplifier les libellés décrivant les actes dans la NGAP, à coût constant pour l’Assurance maladie », souligne Patrice Thoraval, seul représentant sur l’ensemble des syndicats à avoir suivi intégralement le dossier de bout en bout depuis deux ans et demi. Pour les organisations professionnelles, du moins pour la FNI, il était tout aussi évident qu’il fallait que cela se fasse a minima à coût constant pour la profession ! Il y a eu le temps des premières propositions de l’Uncam centrées sur les voies d’abord prévoyant le maintien des cotations en éclaté pour les perfusions périphériques et la cotation au forfait pour les voies centrales. Si ce menu ne comportait effectivement aucun risque financier pour les caisses, il a fallu se rendre à l’évidence que le déséquilibre persistait et que la simplification ne serait pas au rendez-vous.
PERFUSIONS, DES DONNÉES PAS TRÈS SOLIDES
Une longue période de latence s’en est suivie, en toute vraisemblance pour permettre à l’Uncam de réaliser un audit de situation. Malgré la puissance de la base de données du Système national d’information inter régimes de l’assurance maladie (Sniiram), il n’est pas possible en effet d’isoler les actes courants directement liés à certains types de perfusions. Les cotations AMI 1 à 5 des actes liés à la perfusion se confondent à celles d’autres actes de la NGAP. Comment en l’absence de codage les différencier des IM SC, MVAG, dextro, surveillance des patients… en AMI 1, des séances d’aérosols de l’article 5 en AMI 1,5, des pansements en AMI 2, du lavement et de l’extraction de fécalome en AMI 3, des séances d’alimentation, de dialyse péritonéale et des pansements des articles 3 et 5 bis en AMI 4, et des saignées de l’article 1er en AMI 5 sans procéder par de savants recoupements et extrapolations ? En revanche, on le sait, les coefficients au-delà de 5, comme les AMI 6, AMI 10 ou AMI 15, sont attribuables uniquement aux perfusions car il n’y a pas de cotations équivalentes dans le titre XVI de la nomenclature. En tout état de cause, le résultat de ces deux ans de tergiversations a conforté la volonté de l’Uncam d’aboutir. Trop de perfusions en structures hospitalières, HAD, hospitalisations de jour ou classique, et pas assez en ville ?
VIVE LA RENTRÉE !
En septembre 2013, les travaux ont sérieusement repris avec pour axe nouveau, une généralisation de la cotation en forfait sur le modèle des cotations réservées aux seuls patients cancéreux ou immunodéprimés. La commission de hiérarchisation des actes professionnels (Chap) du 6 mars dernier a entériné les termes de la refonte des libellés. Dans ses grandes lignes, dont les pages suivantes font le détail, les partenaires de la négociation se sont accordés pour considérer que tous les actes de perfusion relèveraient dorénavant des soins spécialisés. Avec pour conséquence naturelle, la suppression de l’article 3, l’entrée en lice de nouveaux forfaits de cotation, quelle que soit la pathologie du patient, la création d’un acte marquant pour les interventions programmées ou non sur la ligne de perfusion en dehors de la pose et du retrait ou sur simple appel du patient ou de son entourage, et des règles de cumul clarifiées. Reste à faire valider cette refonte de nomenclature par la Chap des sages-femmes – qui peuvent utiliser le titre XVI de la NGAP avec la lettre SFI lorsqu’elles pratiquent des actes infirmiers –, ensuite la HAS donnera son feu vert avant validation ministérielle et promulgation au JO. Cette publication attendue pour septembre doit permettre dans l’entretemps de valider la rédaction de la circulaire d’application destinée aux échelons locaux des caisses. Les interprétations possibles laisseront place à des pratiques homogènes avec un exercice plus sécurisé pour les libéraux s’inscrivant résolument dans le parcours de soins.
Par Isabelle Eudes