DÉCRYPTAGE - Un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) préconise un big bang des métiers de la santé. Le détail profession par profession.
Des pharmaciens dans les grandes surfaces
"La mission n'a pas identifié de raison qui justifie l'interdiction faite aux commerçants, notamment dans la grande distribution, de commercialiser les médicaments à prescription médicale facultative", écrivent les inspecteurs de l'IGF. Une telle libéralisation est réclamée par plusieurs associations de consommateurs selon lesquelles, pour ces produits, "le rôle de conseil et de prévention joué par les pharmaciens est limité dans les faits". La présence d'un pharmacien en grande surface est une option possible. Pour Isabelle Adenot, présidente du conseil national de l'ordre des pharmaciens, "une baisse du revenu des pharmaciens va entraîner la fermeture des officines fragiles et donc un recul du service public. Sans parler du danger sanitaire : la grande surface poussera forcément à la surconsommation de médicaments. Il n'est pas du tout évident que les Français y gagnent quelque chose, car les prix de l'automédication en France sont les plus bas d'Europe".
Transparence sur les prothèses dentaires
"Dans la mesure où les chirurgiens-dentistes sont des professionnels de santé et non des commerçants, il y aurait une logique à ne pas leur faire jouer le rôle d'intermédiaire qu'ils jouent actuellement dans la vente aux patients des prothèses dentaires." Également épinglée dans un récent rapport de la Cour des comptes, l'explosion des prix de ces prothèses est au cœur de l'argumentation de l'IGF. Deux causes principales à cette envolée : la recherche d'une compensation face à la stagnation des tarifs de soin devenus déficitaires et le manque de transparence de "la structure des coûts des soins prothétiques". Deux options de réformes sont imaginées : réglementer le tarif de l'acte de conseil pour une prothèse comme celui de sa pose ; achat de la prothèse directement auprès du prothésiste par le patient ou communication au patient du prix d'achat de la prothèse.
Nouvelles missions pour les infirmiers et opticiens
Si le rapport de l'IGF préconise peu de changements dans l'exercice des médecins, généralistes ou spécialistes, il plaide néanmoins pour deux réformes majeures. Tout d'abord, "la délégation de certains actes complémentaires aux infirmiers" moins qualifiés et donc à moindre coût pour l'Assurance-maladie : "vaccin antigrippal" pour tous, "autres types de vaccins", renouvellement des "prescriptions de médicaments contre la douleur", perfusion et injection de médicaments analgésiques à domicile et plus seulement à l'hôpital. Deuxième axe, dans un contexte de pénurie d'ophtalmologistes en France, l'IGF souhaite rendre "plus aisée la prescription de lunettes correctrices par les opticiens", qui pourraient donc, à moindre coût, mesurer les défauts visuels. Les ophtalmos, qui perdraient leur monopole sur les lunettes, pourraient se concentrer sur le traitement des maladies de l'œil. "Nous ne sommes pas contre la délégation de tâches, mais à condition qu'elle soit dirigée vers les orthoptistes, qui, contrairement aux opticiens, ne sont pas des commerçants. La mesure a été testée cette année par le ministère de la Santé", commente Jean-Bernard Rottier, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France.
Ouvrir le capital des laboratoires d'analyses
Dans un contexte de réforme de la biologie (durcissement des normes, baisse du tarif de nombreux actes) et de concentration des laboratoires, les inspecteurs de l'IGF pointent l'arrivée en France d'investisseurs étrangers qui "peuvent contourner la réglementation française et acquérir indirectement la majorité du capital" de ces entreprises dirigées par des pharmaciens biologistes. En conséquence, ils plaident pour "un allégement des contraintes sur le capital" existantes et notamment la fin de la restriction au nombre de structures dans lesquelles un professionnel de santé peut investir. Cette ouverture du capital, sans danger pour la santé publique, pourrait concerner de nombreuses autres professions réglementées, à condition que "les règles déontologiques" soient "renforcées".
Abolir le monopole sur le transport des malades
Alors que le nombre de faillites augmente depuis deux ans dans un secteur qui compte 5.800 entreprises, l'IGF s'attaque aux 14.000 véhicules sanitaires légers (VSL), aujourd'hui seulement concurrencés par les taxis : "Si le transport allongé ou assis d'un patient en ambulance exige des compétences particulières, aucun motif d'intérêt général ne justifie que [le transport de patients dont l'état de santé n'exige pas de soins particuliers] soit réservé aux [VSL] et aux taxis. [Il] pourrait être confié à d'autres acteurs."
Supprimer la plupart des numerus clausus
L'arrivée massive en France de diplômés formés en Belgique, Espagne ou Roumanie a déjà fait exploser en partie les numerus clausus qui restreignent l'accès à certaines professions de santé. Selon l'IGF, il faut tout simplement "supprimer" ces "barrières à l'entrée" pour "accroître l'offre domestique de formation à certains métiers". La mesure concernerait les pharmaciens, dentistes, infirmiers, kinés, mais pas les médecins.
Meilleure information sur les prix vétérinaires
Le rapport pointe un conflit d'intérêts préjudiciable pour les consommateurs : les professionnels de la santé animale ont à la fois le droit de prescrire les médicaments et de les vendre. D'où "une marge élevée et homogène, proche de 40%", épinglée par la DGCCRF sur les produits vétérinaires (ceux pour animaux domestiques notamment), et des soupçons : "actes vétérinaires sous-tarifés et compensés par des prix excessifs sur les médicaments", "mauvais fonctionnement du marché, voire parfois entente anti-concurrentielle". Solution préconisée par l'IGF? "Séparer clairement actes du vétérinaire et vente de médicaments" avec publication des tarifs sur Internet pour plus de transparence.